Caïn et Abel


abel et caïn

Caïn et Abel
Pietro Novelli (1603-1647)
Huile sur toile
Galerie nationale d'art ancien, Rome

1°) Cain et Abel dans la Bible
Les Offrandes La mort Les remords Cain fuyant
Légende :
Auteur : Gustave Doré Auteur : Titian Auteur : Barthélemy Vieillevoye ; Exposé aux Musées communaux de Verniers ; Peint à l'huile sur toile ( 140X158 ) Auteur : Fernand Cormon ; Exposé au Musée d'Orsay à Paris

A partir de la consommation du fruit interdit, les choses vont de mal en pis. Dans l'Ancien Testament Adam et Eve donnèrent naissance d’abord à Caïn puis , à Abel. Caïn devint un agriculteur tandis que son frère Abel devint berger de petit bétail . Quand vint le temps de la moisson, Caïn et Abel apportèrent des offrandes de remerciement à Dieu. Abel offrit " les premiers nés de son bétail et de leurs parties grasses " ; Caïn quant à lui trouva cette gratitude exagérée et se contenta d'apporter les fruits les moins beaux de sa récolte. Dieu agréa Abel et son offrande, mais pas celle de Caïn. Tous deux croyaient en Dieu, leurs parents leur ayant sans doute appris pourquoi ils vivaient hors d'Eden( le paradis), et pourquoi l'accès leur en était interdit. Caïn en fut très irrité et eut le visage abattu .

Yahvé dit à Caïn : Pourquoi es-tu irrité et pourquoi ton visage est-il abattu ? Si tu es bien disposé , ne relèveras-tu pas la tête ? Mais si tu n’es pas bien disposé , le péché n’est-il pas à la porte , une bête tapie qui te convoite , pourras-tu la dominer ?

Cependant Caïn dit à son frère Abel « Allons dehors » et , comme ils étaient en pleine campagne , Caïn se jeta sur son frère et le tua .

Yahvé dit à Caïn : Où est ton frère Abel ?

Il répondit « Suis-je le gardien de mon frère ?

Yahvé reprit « Qu’as-tu fait ! Ecoute le sang de ton frère crier vers moi du sol ! Maintenant , sois maudit et chassé du sol fertile qui a ouvert la bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère . Si tu cultives le sol, il ne te donnera plus son produit : tu seras un errant parcourant la terre.

Alors Caïn dit à Yahvé : Ma peine est trop lourde à porter. Soit ! Tu me bannis aujourd'hui du sol fertile, je devrai me cacher loin de ta face et je serai un errant parcourant la terre . Mais, le premier venu me tuera !

Yahvé lui répondit : Aussi bien, si quelqu'un tue Caïn, on le vengera sept fois et Yahvé mit un signe sur Caïn, afin que le premier venu ne le frappât point.

Caïn se retira de la présence de Yahvé et séjourna au pays de Nod, à l'orient d'Éden. Caïn connut sa femme, qui conçut et enfanta Hénok. Il devint un constructeur de ville et il donna à la ville le nom de son fils, Hénok.

Adam connut sa femme; elle enfanta un fils et lui donna le nom de Seth, car, dit-elle : Dieu m'a accordé une autre descendance à la place d'Abel, puisque Caïn l'a tué .

D'après la Genèse (5:3), comme Seth est sans doute né peu après la mort d'Abel, alors qu' Adam avait 130 ans, Abel pouvait avoir près de 100 ans quand il mourut . C'est à partir de Seth que la généalogie de Jésus est construite. En effet, la Bible nomme tous les descendants de Seth jusqu'à Joseph, l'époux de Marie, mére de Jésus.

L'histoire de Caïn fait symboliquement référence à une ancienne tribu nomade appelée Caïn, qui portait un tatouage distinctif et avait la réputation de se venger férocement lorsqu'il était porté atteinte à l'un de ses membres.

2°) Caïn et Abel dans le Coran

Le Coran raconte aussi l'histoire des fils d'Adam, sans les caractériser par leur profession comme dans la Bible , qui présente Abel comme un berger et Caïn comme un agriculteur. En revanche la tradition musulmane leurs donne des nom Hâbîl pour Abel et Qâbîl pour Caïn .

Le Coran raconte que chacun des deux frères avait fait une offrande (ou un sacrifice) à leur Dieu (Allah) . Mais ce dernier n'a accepté que celle d' Hâbîl. Par jalousie, Qâbîl promit alors de tuer son frère, mais celui-ci répondit : « Allah n'accepte l'offrande que de la part des pieux. Si tu étends vers moi ta main pour me tuer, moi, je n'étendrai pas vers toi ma main pour te tuer : car je crains Allah, le Seigneur de l'Univers . » Qâbîl tua néanmoins Hâbîl . Selon le texte, un très profond sentiment de remords l'envahit alors, et il devint ainsi parmi les perdants. Qâbîl resta consterné devant le cadavre de son frère, ne sachant que faire. Allah lui envoya alors un corbeau qui se mit à gratter la terre pour lui montrer comment ensevelir le cadavre de son frère. Qâbîl dit alors : « Malheur à moi ! Ai-je donc été incapable d’être comme ce corbeau et de cacher le spectacle indécent de mon frère ?

Les deux traditions bibliques et coraniques présentent donc Caïn (Qâbîl ) comme le premier meurtrier, le premier repentant et Abel (Hâbîl ) comme le premier assassiné et le premier mort de l’histoire . Le Coran ajoute que Caïn est le premier à avoir enterré un cadavre.



3°) D'autres textes sacrés

La haggadah (ensemble de traditions populaires juives) exploite largement l'histoire de Caïn et Abel à l'intérieur de récits parénétiques nombreux et significatifs. Le Nouveau testament mentionne Abel plusieurs fois: l'Evangile selon St Mathieu (XXIII, 25) le place comme type du juste persécuté en tête de la lignée des prophètes exécutés; l'Epître aux Hébreux (XII, 24) oppose son sang versé au sacrifice bien supérieur de Jésus. Les Pères de l'Eglise verront dans la mort d'Abel une préfiguration de celle du Christ et un prototype des persécutions et du martyre chrétiens. Le canon de la messe romaine place le sacrifice d'Abel à côté de ceux ul d'Abraham et de Melkisédeq.


Lexique
Synonyme: annonce; prélude; préface; réliminaire

4°) Interprétation de ce fait biblique

En fait, la violence n'a rien à voir avec la personne qui la subit, la victime. Caïn commet un meurtre parce qu'il est déprimé et en colère. Il aurait pu réfléchir sur ses échecs et ses défauts et tenter d' y remédier mais cela demanderait bien trop de travail. C'est bien plus facile de blâmer Abel. Rendre les autres responsables de nos problèmes est une manière rapide d'échapper à la difficulté que constituerait le devoir de changer et de mûrir.



5°) « L’œil était dans la tombe et regardait Caïn »

La conscience

Lorsque avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes,
Echevelé, livide au milieu des tempêtes
Caïn se fut enfui de devant Jéhovah,
Comme le soir tombait, l'homme sombre arriva
Au bas d'une montagne en une grande plaine ;
Sa femme fatiguée et ses fils hors d'haleine
Lui dirent : « Couchons-nous sur la terre, et dormons. »
Caïn, ne dormant pas, songeait au pied des monts.
Ayant levé la tête, au fond des cieux funèbres,
Il vit un oeil, tout grand ouvert dans les ténèbres,
Et qui le regardait dans l'ombre fixement.
« Je suis trop près », dit-il avec un tremblement.
Il réveilla ses fils dormant, sa femme lasse,
Et se remit à fuir sinistre dans l'espace.
Il marcha trente jours, il marcha trente nuits.
Il allait, muet, pâle et frémissant aux bruits,
Furtif, sans regarder derrière lui, sans trêve,
Sans repos, sans sommeil; il atteignit la grève
Des mers dans le pays qui fut depuis Assur.
« Arrêtons-nous, dit-il, car cet asile est sûr.
Restons-y. Nous avons du monde atteint les bornes. »
Et, comme il s'asseyait, il vit dans les cieux mornes
L'oeil à la même place au fond de l'horizon.
Alors il tressaillit en proie au noir frisson.
« Cachez-moi ! » cria-t-il; et, le doigt sur la bouche,
Tous ses fils regardaient trembler l'aïeul farouche.
Caïn dit à Jabel, père de ceux qui vont
Sous des tentes de poil dans le désert profond :
« Etends de ce côté la toile de la tente. »
Et l'on développa la muraille flottante ;
Et, quand on l'eut fixée avec des poids de plomb :
« Vous ne voyez plus rien ? » dit Tsilla, l'enfant blond,
La fille de ses Fils, douce comme l'aurore ;
Et Caïn répondit : « je vois cet oeil encore ! »
Jubal, père de ceux qui passent dans les bourgs
Soufflant dans des clairons et frappant des tambours,
Cria : « je saurai bien construire une barrière. »
Il fit un mur de bronze et mit Caïn derrière.
Et Caïn dit « Cet oeil me regarde toujours! »
Hénoch dit : « Il faut faire une enceinte de tours
Si terrible, que rien ne puisse approcher d'elle.
Bâtissons une ville avec sa citadelle,
Bâtissons une ville, et nous la fermerons. »
Alors Tubalcaïn, père des forgerons,
Construisit une ville énorme et surhumaine.
Pendant qu'il travaillait, ses frères, dans la plaine,
Chassaient les fils d'Enos et les enfants de Seth ;
Et l'on crevait les yeux à quiconque passait ;
Et, le soir, on lançait des flèches aux étoiles.
Le granit remplaça la tente aux murs de toiles,
On lia chaque bloc avec des noeuds de fer,
Et la ville semblait une ville d'enfer ;
L'ombre des tours faisait la nuit dans les campagnes ;
Ils donnèrent aux murs l'épaisseur des montagnes ;
Sur la porte on grava : « Défense à Dieu d'entrer. »
Quand ils eurent fini de clore et de murer,
On mit l'aïeul au centre en une tour de pierre ;
Et lui restait lugubre et hagard. « Ô mon père !
L'oeil a-t-il disparu ? » dit en tremblant Tsilla.
Et Caïn répondit : " Non, il est toujours là. »
Alors il dit: « je veux habiter sous la terre
Comme dans son sépulcre un homme solitaire ;
Rien ne me verra plus, je ne verrai plus rien. »
On fit donc une fosse, et Caïn dit « C'est bien ! »
Puis il descendit seul sous cette voûte sombre.
Quand il se fut assis sur sa chaise dans l'ombre
Et qu'on eut sur son front fermé le souterrain,
L'oeil était dans la tombe et regardait Caïn.

(Recueil : La légende des siècles)

L’œil représente le poids de la conscience . Même si Caïn s’éloigne du lieu où il a commis le crime cet œil le poursuit partout . Il a beau construire des murs , des viles fortifiées ou interdire l’entrée à Jéhova, l’œil est toujours présent et le suivra même jusqu’à sa tombe car tuer son prochain est un pêché et cet œil représente le remord éternel de Caïn .


Lexique

Synonyme: effréné Synonyme: blême Synonyme: déprimant ; lugubre Synonyme: implacable